Les actualités de l’Ordre professionnel
des sexologues du Québec

Normes de compétences : Services aux personnes trans et de la diversité de genre

En raison de leur champ d’expertise, les sexologues peuvent être sollicité.es par les personnes trans et de la diversité de genre pour les accompagner à différentes étapes de leur parcours de vie. Les sexologues peuvent ainsi réaliser des évaluations menant à des lettres de recommandation, des interventions de soutien et d’accompagnement ou de la psychothérapie, selon les besoins exprimés et les compétences requises pour effectuer les activités professionnelles.

Par la présente chronique, l’Ordre professionnel des sexologues (OPSQ) rappelle le cadre juridique et déontologique pour réaliser certaines activités professionnelles et émet des recommandations sur les normes de compétences requises pour ce faire. Celles-ci se basent notamment sur la 8e version des Standards de Soins pour la santé des personnes transsexuelles, transgenres et de genre non-conforme de la World Professional Association for Transgender Health (WPATH), mises à jour en 2022.

Importance de l’évaluation

Peu importe la demande de service, il est nécessaire de procéder à une évaluation sexologique rigoureuse et selon les règles de l’art. L’OPSQ propose une démarche d’évaluation en 5 étapes dans ses Lignes directrices pour l’évaluation du développement et du comportement sexuels. Cette démarche doit être ajustée selon la nature de la demande et prendre en compte les réalités spécifiques aux personnes trans et de la diversité de genre.

À l’issue de cette évaluation, les sexologues peuvent fournir les services requis selon les besoins présentés par la personne, puis en fonction des attestations professionnelles et autres permis, le cas échéant.

Évaluations pour changement administratif de mention de sexe et de nom

Il est possible de demander au Directeur de l’état civil du Québec (DECQ) de modifier la mention de sexe à un acte de naissance. Depuis 2022, la mention de sexe peut être « non binaire (X) », « féminin » ou « masculin », et ce peu importe les caractéristiques physiologiques de la personne. Il est également possible de demander une modification de prénom dans la même demande.

Une personne adulte qui fait une première demande de changement de mention de sexe peut présenter sa demande sans lettre d’appui. Le DECQ exige toutefois une lettre de recommandation dans les deux cas suivants :

  • Pour la demande d’une personne mineure;
  • Lorsqu’une personne majeure a déjà fait un changement de mention de sexe par le passé.

Dans ces deux cas, le Règlement relatif au changement de nom et d’autres qualités de l’état civil exige que la demande de changement de mention du sexe soit accompagnée d’une lettre provenant d’une personne professionnelle qui déclare (1) avoir évalué ou suivi la personne et (2) être d’avis que le changement de cette mention de sexe est approprié. Les personnes professionnelles autorisées par la loi sont les sexologues, les médecins, les psychologues, les psychiatres, et les travailleuses sociales/travailleurs sociaux.

Les sexologues qui peuvent réaliser ces évaluations

Toutes et tous les sexologues peuvent réaliser cette activité professionnelle. Une évaluation sexologique est toutefois nécessaire avant de fournir un tel avis professionnel. Les standards du WPATH abondent en ce sens et requièrent une évaluation en bonne et due forme, effectuée en fonction des réalités spécifiques aux personnes de minorités sexuelles et de genre, ce qui nécessite une formation complémentaire adéquate.

À titre indicatif, les modèles de formulaires peuvent être consultés sur le site web du DECQ. L’OPSQ fournit également un modèle de lettre de recommandation :

Modèle lettre DECQ

Évaluations pour l’hormonothérapie

Avant de prescrire une hormonothérapie, il est courant que les médecins demandent un avis professionnel émis par un.e professionnel.le du domaine de la santé mentale et des relations humaines, incluant les sexologues. Ces lettres sont facultatives, mais tout de même fréquentes pour s’assurer que le soin soit approprié pour chaque personne dans son contexte et qu’elle y consente pleinement. Les sexologues ne peuvent prescrire un tel soin médical en soi, mais leurs évaluations contribuent à éclairer les médecins sur le consentement et soutenir le cheminement des personnes trans et de la diversité de genre.

L’évaluation vise à valider le consentement libre et éclairé en lien avec les réalités spécifiques à l’hormonothérapie, soit de valider si la personne connaît et comprend bien le processus, puis si elle a des attentes réalistes quant aux effets et aux risques qui y sont liés, tant sur le plan médical que psychosocial.

Les sexologues qui peuvent réaliser ces évaluations

Sur le plan règlementaire, il n’y a pas d’exigence formelle sur les attestations professionnelles, autre permis ou le niveau d’étude des sexologues pour les lettres de recommandation pour l’hormonothérapie et les médecins ont une certaine liberté pour leurs exigences.

Les sexologues sont toutefois tenus d’évaluer leurs propres compétences avant de rendre un service, puis de valider les exigences requises par les médecins qui demandent une lettre de recommandation. Notons que la WPATH recommande que les évaluations dans le cadre d’un soin médical soient réalisées par des personnes qui font partie d’un ordre professionnel, qui détiennent une maîtrise clinique, qui ont une bonne connaissance de la dysphorie de genre et de tout enjeu de santé mentale qui pourrait interférer avec la capacité d’une personne à consentir à un soin médical d’affirmation de genre (recommandations du chapitre 5, WPATH, 2022).

L’OPSQ fournit un modèle de lettre de recommandation que les sexologues peuvent adapter à leur style et leur pratique :

Modèle lettre hormonothérapie

Évaluations pour les chirurgies d’affirmation de genre

Pour les chirurgies d’affirmation de genre (ex. vaginoplastie, phalloplastie, mastectomie, etc.), les chirurgiens requièrent au moins une lettre de recommandation d’une personne professionnelle du milieu de la santé mentale et des relations humaines détenant une maîtrise, incluant les sexologues.

La clinique GrS Montréal fournit un modèle de formulaire qui peut faire office de lettre. Les sexologues ayant une clientèle qui fréquentent cette clinique sont ainsi libres de le remplir, ou de fournir une lettre qui contient l’intégralité du contenu demandé. Les formulaires sont disponibles en cliquant ici : en français ou en anglais.

Les sexologues qui peuvent réaliser ces évaluations

Les cliniques qui effectuent les chirurgies se conforment aux exigences de la WPATH, c’est-à-dire que les évaluations doivent être réalisées par des personnes qui font partie d’un ordre professionnel, qui détiennent une maîtrise clinique, qui ont une bonne connaissance de la dysphorie de genre et de tout enjeu de santé mentale qui pourrait interférer avec la capacité d’une personne à consentir à un soin médical d’affirmation de genre (recommandations du chapitre 5, WPATH, 2022). Ainsi, l’OPSQ abonde dans le même sens et recommande que les évaluations pour ces soins soient réalisées par les sexologues qui ont une maîtrise clinique et une attestation de formation pour l’évaluation des troubles sexuels.

Aide-mémoire pour les évaluations pour soins médicaux (hormonothérapie et chirurgies)

Voici quelques éléments retenir pour les évaluations relatives à tout soin médical, que ce soit l’hormonothérapie ou les chirurgies d’affirmation de genre :

  • Supervision et expérience professionnelle. Les médecins qui reçoivent les lettres des sexologues (et autres personnes professionnelles) évaluent leur expérience. Il est donc important de fournir une description sommaire des formations complémentaires suivies, de l’expérience professionnelle pertinente, ainsi que la supervision reçue. Pour les sexologues qui débutent dans cette pratique, il est incontournable de recevoir une formation adéquate et de faire appel à la supervision.
  • Évaluation de la dysphorie de genre. Il n’est pas obligatoire de fournir une évaluation de la dysphorie de genre, mais les sexologues qui ont l’attestation pour l’évaluation des troubles sexuels peuvent le faire, ou indiquer leurs impressions cliniques à cet égard.
  • Importance du consentement libre et éclairé. L’élément principal des évaluations sexologiques pour les soins médicaux vise le consentement aux soins demandés. Ce consentement s’évalue en validant l’information connue par la personne sur les soins médicaux, les impacts possibles, ses attentes réalistes, puis les facteurs de protection ou de limitation (ex. capacité d’adaptation, habitudes de vie, soutien psychosocial, enjeux de santé physique ou mentale, etc.).
  • Importance de la transparence. L’objectif de l’évaluation n’est pas d’empêcher une personne d’avoir recours aux soins appropriés, mais bien de prévoir les ressources nécessaires pour mieux l’accompagner. Il est important que l’évaluation reflète la réalité pour que les médecins puissent fournir le soutien et les soins adéquats selon les besoins de la personne.
  • Nombre de rencontres. Pour réaliser une évaluation en bonne et due forme, les sexologues doivent suffisamment connaître la situation de la personne. Il n’y a pas de durée fixe de suivi ou un nombre de rencontres prescrit pour l’évaluation, mais les sexologues doivent faire appel à leur jugement professionnel pour déterminer, au cas par cas, combien de temps ou de rencontres sont nécessaires pour une évaluation complète.
  • Disponibilité après les soins médicaux. Il est préférable que les sexologues demeurent disponibles pour un suivi après les soins médicaux pour les personnes évaluées, ou de fournir les références nécessaires pour assurer un suivi au besoin. Les soins médicaux font partie d’un processus identitaire accompagné de plusieurs changements et les sexologues constituent des ressources importantes pour accompagner les personnes trans et de la diversité de genre dans ce cheminement.

Soutien, accompagnement et psychothérapie

Selon les besoins exprimés par chaque personne, les sexologues peuvent rendre de services en soutien, en accompagnement, ou en psychothérapie pour les sexologues qui détiennent un permis. La WPATH soutient que la psychothérapie ne doit pas être perçue comme une condition préalable à un changement de mention de sexe ou à un soin médical d’affirmation de genre, tout en reconnaissant que cela peut s’avérer utile pour certaines personnes. L’OPSQ abonde dans le même sens et invite les sexologues à bien évaluer les besoins pour rendre les services qui y correspondent le mieux.

En plus des enjeux sexologiques qui peuvent toucher toute personne, les questionnements ou les changements identitaires et physiologiques entrainent des enjeux spécifiques qui peuvent nécessiter un suivi sexologique. Par exemple, une personne qui navigue en société avec une nouvelle identité de genre vivra ses interactions différemment, puis elle pourrait se retrouver confrontée à certaines résistances ou encore à des nouveautés qui, bien que positives, nécessitent des ajustements. Les personnes de la diversité de genre sont également beaucoup plus à risque de vivre de la détresse psychologique et du stress lié à l’environnement social. Des changements physiologiques sont aussi accompagnés de nouvelles sensations, d’une adaptation de l’image corporelle ou de la sexualité, etc. Il peut donc s’avérer utile et parfois nécessaire d’obtenir du soutien à différents moments d’une transition, soit en soutien, en accompagnement ou en psychothérapie.

Il est nécessaire de procéder à une évaluation initiale approfondie afin de déterminer avec la personne ses besoins et le plan d’intervention approprié. Rappelons que la psychothérapie peut seulement être offerte par les sexologues qui détiennent un permis. Pour bien distinguer la psychothérapie des interventions qui s’y apparentent, consultez l’article de l’OPSQ et le guide interprofessionnel à ce sujet.

Normes de formation et supervision

La WPATH recommande que les personnes professionnelles qui accompagnent les personnes trans et de la diversité de genre détiennent une formation initiale de base. Les sexologues remplissent ce critère, étant nécessairement titulaires d’un baccalauréat ou d’une maîtrise en sexologie, qui sont des programmes spécialisés en santé sexuelle.

La WPATH recommande également que les personnes professionnelles suivent une formation complémentaire rigoureuse, quel que soit le service rendu. Cela s’applique autant pour les suivis que pour les évaluations menant à des lettres de recommandation. Il est attendu que ces formations complémentaires portent notamment sur les aspects suivants :

  • Les connaissances culturelles et sociales sur les réalités vécues par les personnes trans et de la diversité de genre;
  • Les approches à privilégier dans les évaluations et les suivis (ex. approches anti-oppressives);
  • Le développement psychosexuel dans l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte dans une perspective de diversité de genre;
  • L’évaluation de la capacité à consentir dans le cadre d’un changement de mention de sexe ou d’un soin médical d’affirmation de genre;
  • Les enjeux légaux et administratifs pertinents;
  • Les enjeux biomédicaux des soins médicaux;
  • Les enjeux de santé mentale, physique et sexuelle des populations visées;
  • Etc.

À tout moment et principalement au début d’une pratique auprès des populations concernées, il est recommandé que les sexologues fassent appel à la supervision clinique pour valider leurs démarches et recevoir l’encadrement adéquat. Certains services requièrent aussi des attestations et formations complémentaires, dont l’attestation pour l’évaluation des troubles sexuels ou le permis de psychothérapeute.

Rappelons que les sexologues sont tenus d’agir avec compétence et intégrité, puis d’éviter toute fausse représentation à cet égard (articles 42 et 43 du Code de déontologie). Il est donc important que les sexologues évaluent leurs compétences pour pouvoir suivre les formations complémentaires adéquates et faire appel à la supervision, dans une perspective de qualité professionnelle et de protection du public. Dans un contexte de difficulté d’accès aux services, il est nécessaire que de plus en plus de sexologues reçoivent les formations adéquates pour répondre aux besoins des populations concernées.

L’OPSQ remercie la clinique GrS Montréal pour les informations fournies en vue de la rédaction d’une partie de la présente chronique. La clinique se rend disponible pour répondre à toute question complémentaire sur le processus d’accès aux chirurgies d’affirmation de genre et les évaluations requises par les sexologues à cet effet, par courriel au info@grsmontreal.com.
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