Chroniques déontologiques

Chronique 3 : Les exceptions au secret professionnel

La présente chronique est publiée par l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ) comme partie d’une série sur le secret professionnel. Cette série vise principalement à informer les sexologues en matière de déontologie et à contribuer à leur réflexion professionnelle pour les enjeux que soulève leur pratique.

En aucun cas le contenu ne doit être compris comme substituant un texte de loi, ni être interprété comme étant un conseil juridique. Les sexologues doivent procéder à une analyse approfondie de chaque situation et faire appel aux ressources appropriées pour valider leur jugement professionnel, que ce soit en supervision clinique, auprès de collègues de travail ou en faisant appel à des services juridiques indépendants.

Table des matières :

  • Les catégories d’exceptions
  • L’autorisation de la clientèle
    • Un mot sur les rapports pour les tribunaux
  • Lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise expressément
    • Soutien à la préparation
  • La tenue de dossiers

Les catégories d’exceptions

Il est primordial pour les sexologues de préserver la confidentialité des renseignements reçus dans le cadre de leurs fonctions. Il s’agit de la règle de base qui doit prévaloir.

Toutefois, certaines circonstances viennent assouplir cette règle sous l’égide de principes tout aussi importants, par exemple le consentement, la protection de la jeunesse ou encore la sécurité publique. Les exceptions au secret professionnel, tout comme la règle, sont prévues à l’article 15 du Code de déontologie des sexologues :

15. Le sexologue respecte le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.

Il n’est relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse. En vue d’obtenir l’autorisation du client, le sexologue l’informe de l’utilisation et des conséquences possibles de la transmission de ces renseignements.

Nous distinguons donc deux catégories d’exceptions qui permettent ou obligent les sexologues à divulguer des renseignements confidentiels reçus dans l’exercice de leurs fonctions :

  1. L’autorisation de la clientèle;
  2. Lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise expressément;

L’autorisation de la clientèle

Comme le droit au secret professionnel appartient à la clientèle, celle-ci peut exceptionnellement relever les sexologues du devoir de protéger les renseignements qui la concernent, tel que le prévoit l’article 15 du Code de déontologie.

La renonciation au secret professionnel doit être claire, c’est-à-dire que l’autorisation de la personne à transmettre des renseignements confidentiels est sans équivoque. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une personne demande que son dossier ou qu’une partie de celui-ci soit transmise à une compagnie d’assurances.

Avant toute communication de renseignements à des tiers, les sexologues doivent toutefois obtenir le consentement éclairé de la personne, en s’assurant qu’elle est informée des renseignements spécifiques qui seront transmis (c.-à-d. ce qui est utile et nécessaire), de l’utilisation spécifique qui en sera faite et des conséquences possibles de leur transmission. Les sexologues sont notamment responsables de réfléchir aux préjudices envisageables pour leur clientèle, dans le but de bien lui expliquer ensuite.

Les sexologues doivent s’assurer de respecter le cadre déontologique et administratif lié à la transmission de renseignements. Sans reproduire intégralement les dispositions du Code de déontologie, les actions suivantes nécessitent une attention particulière des sexologues du point de vue de l’autorisation de la clientèle :

  • La transmission d’un rapport à un tiers (voir art. 22);
  • La transmission de renseignements confidentiels à autrui, incluant à l’intérieur d’une équipe professionnelle (voir art. 23);
  • Le dévoilement ou la transmission de résultats d’une évaluation obtenus à l’aide d’instruments de mesure ou d’outils d’évaluation (voir art. 24);
  • La transmission de renseignements ou de copies d’un dossier à des tiers, notamment en ce qui concerne le consentement écrit de la personne et son délai de 15 jours pour révoquer ce consentement, ainsi que la note signée à insérer au dossier (voir art. 29).

Pour appuyer les sexologues dans leur réflexion et le partage d’information confidentielle, elles et ils peuvent consulter le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues, principalement aux articles 15 à 26 sur les renseignements confidentiels et les articles 27 à 31 sur l’accès aux dossiers.

Attention : Même si l’avocat.e de votre client.e demande d’obtenir une copie de son dossier, vous devez vous-même obtenir directement l’autorisation de la personne pour pouvoir la transmettre, en vous assurant de respecter les balises déontologiques.

Un mot sur les rapports pour les tribunaux

Les sexologues peuvent agir à titre d’expert.es devant certains tribunaux, par exemple en rédigeant des rapports sexologiques en droit criminel. Même si les instructions ou les mandats peuvent provenir de tiers lorsqu’un rapport est requis, le cadre relatif au consentement doit être maintenu.

En effet, étant donné que les rapports contiennent des renseignements confidentiels qui seront partagés à des tiers, les sexologues continuent de devoir obtenir l’autorisation de la personne concernée pour le processus d’évaluation, la rédaction et la communication des rapports.

Même si l’ordonnance de production d’un rapport peut créer une pression à s’y conformer, il incombe à la personne concernée de choisir de s’y soumettre ou non et de s’exposer aux conséquences liées à ce choix. Le rôle des sexologues est d’expliquer clairement en quoi consiste un rapport sexologique et d’obtenir le consentement de la personne sans coercition pour pouvoir fournir le rapport. Si la personne refuse de se soumettre au processus, en tout ou en partie, c’est ce qui devra être communiqué au tribunal.

Lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise expressément

En plus de l’exception relative à l’autorisation de la personne, la loi prévoit des exceptions spécifiques pour que certains renseignements soient partagés dans des contextes circonscrits.

Voici une liste non exhaustive des exceptions qui s’appliquent aux sexologues, lesquelles sont également détaillées dans le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues aux pages 9 et suivantes :

Signalement en protection de la jeunesse
Loi sur la protection de la jeunesse, RLRQ c P-34.1, art. 39
Les sexologues peuvent rencontrer de façon assez prévalente l’exception relative aux signalements en protection de la jeunesse. Étant donné les enjeux complexes la concernant, cette exception fait l’objet d’une chronique déontologique distincte.

Danger imminent de mort ou de blessures graves
Code de déontologie, art. 16 et 17
Le cadre d’analyse de cette exception est établi dans le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues aux pages 10 et 11, où les critères de prise de décision sont détaillés.

Signalement en CHSLD et concernant les personnes majeures inaptes
Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, RLRQ c L-6.3, art. 21.
Les sexologues sont dans l’obligation de signaler au commissaire local aux plaintes ou à un corps de police toute situation qui porte à croire que l’intégrité des personnes suivantes est compromise :

  • Les personnes hébergées dans un établissement qui exploite un centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD);
  • Les personnes en tutelle ou curatelle à l’égard desquelles un mandat de protection a été homologué.

Inspections et enquêtes professionnelles
Code des professions, RLRQ c C-26, art. 192; Code de déontologie, art. 67.
Dans l’intérêt du public, les ordres professionnels doivent pleinement remplir leur rôle de surveillance. Ainsi, les sexologues ne peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser de fournir des informations lors d’une inspection professionnelle ou d’une enquête du syndic de l’OPSQ.
Il en va de même pour les demandes provenant d’autres instances du système professionnel comme le comité de révision, le conseil de discipline, le Tribunal des professions ou d’un comité d’enquête formé par le conseil d’administration de l’OPSQ.

Enquête d’un coroner
Loi sur les coroners, RLRQ c C-68.01
Les sexologues ne peuvent invoquer le secret professionnel pour refuser de fournir le dossier d’une personne décédée lorsqu’un coroner juge nécessaire de l’examiner dans l’exercice de ses fonctions.

Soutien à la préparation

Les situations permettant la levée du secret professionnel sont délicates à gérer, particulièrement pour les exceptions prévues à la loi qui arrivent souvent par surprise et qui peuvent provoquer du stress. Par exemple, les dévoilements liés à la sécurité publique ou à la protection de la jeunesse peuvent générer des sentiments de confusion ou d’impuissance.

L’OPSQ encourage donc les sexologues à bien s’y préparer. De bonnes pratiques incluent :

  • S’assurer de comprendre les notions entourant le secret professionnel et ses exceptions, puis poser des questions aux personnes pertinentes (collègues, supervision, conseillers juridiques) pour tout besoin de clarification de façon préventive;
  • Réfléchir aux manières dont les exceptions pourraient surgir dans sa propre pratique dans le but de prévenir ou d’atténuer l’effet de surprise;
  • Identifier les personnes-ressources pour un accompagnement potentiel dans un processus de divulgation (collègues, supervision, juristes);
  • Dans la section sur la confidentialité du consentement initial, préciser les circonstances qui peuvent faire en sorte que des informations confidentielles pourraient être partagées exceptionnellement. Les sexologues peuvent aussi aborder brièvement cet aspect de vive voix en début de suivi. Ainsi, en cas de déclenchement d’une exception, le fait d’en avoir déjà parlé pourra faciliter le suivi clinique relativement à la divulgation.

La tenue des dossiers

Il est important de noter au dossier les détails importants relatifs à toute levée du secret professionnel, conformément aux règlements de l’OPSQ. Voir notamment :

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