Chroniques déontologiques

Les honoraires, la facturation et le paiement des services en sexologie

La question des honoraires peut être délicate à aborder, de la fixation initiale de montants justes et raisonnables jusqu’au paiement de comptes en souffrance.

Le Code de déontologie des sexologues contient des dispositions spécifiques à cet effet pour guider les sexologues, principalement aux articles 73 à 77. Ces dispositions portent notamment sur la fixation des honoraires, les ententes de paiement, les relevés d’honoraires, les comptes impayés et les moyens pour obtenir le paiement.

La présente chronique vise à outiller les sexologues dans leur réflexion sur les honoraires, ainsi que sur l’application de la règlementation de l’OPSQ. Il s’agit d’un complément au Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues.

Attention : En aucun cas le contenu doit être compris comme substituant un texte de loi, ou être interprété comme étant un conseil juridique. Les sexologues doivent procéder à une analyse approfondie de chaque situation et faire appel aux ressources appropriées pour valider leur jugement professionnel, incluant auprès de collègues, en supervision ou avec des services juridiques ou comptables indépendants.

Table des matières :

  • Les règles de détermination des honoraires
  • La procédure pour déterminer les honoraires
  • Les modalités de paiement et les annulations
  • Les relevés d’honoraires
  • Les mesures en cas de non-paiement

Les règles de détermination des honoraires

L’article 73 du Code de déontologie prévoit que les sexologues doivent « demander et accepter des honoraires justes et raisonnables, justifiés par les circonstances et les coûts de réalisation des services professionnels rendus. » Le même article élabore ces principes en six (6) catégories de facteurs à considérer pour la fixation des honoraires :

  1. L’expérience et les compétences particulières

Bien que les sexologues aient des compétences professionnelles dès leur inscription au tableau de l’Ordre, il est attendu que les honoraires d’une sexologue avec plusieurs années d’expérience soient plus élevés que pour quelqu’un qui débute dans le même domaine offrant des services similaires.

L’accumulation d’expérience spécialisée permet également de moduler les honoraires, notamment auprès de clientèles spécifiques, ou encore dans une approche ou un domaine donnés. De même, les sexologues qui détiennent un permis de psychothérapeute ou une attestation pour l’évaluation des troubles sexuels peuvent fixer un taux horaire qui reflète leur spécialisation.

  1. Le temps consacré à la prestation des services professionnels convenus

Pour les consultations, les sexologues peuvent facturer le temps réel par tranches d’heures ou à la séance. Le prix doit être déterminé en fonction du temps réellement consacré à la prestation des services.

Pour des services tels que le développement d’un atelier ou d’un cours en éducation à la sexualité, ou la rédaction d’un rapport d’évaluation sexolégale, les sexologues peuvent déterminer un taux horaire ou encore un prix fixe (forfaitaire) qui tient compte d’une évaluation anticipée du temps à consacrer au projet. Dans le cas des montants forfaitaires, les sexologues doivent évaluer avec le plus de justesse possible le temps qui devra être consacré au projet pour recevoir une compensation raisonnable dans le contexte. Il est judicieux pour les sexologues de préciser dans un contrat les éléments qui sont inclus dans le prix forfaitaire et ceux qui ne le sont pas.

Il est fortement recommandé de signer une entente claire pour prévoir différentes modalités, incluant l’étalement des paiements, en tenant compte du fait que les services ne peuvent pas être payés d’avance (voir la section « Modalités de paiement » ci-dessous).

  1. La nature et la complexité des services professionnels

Les honoraires peuvent être modulés selon la nature et la complexité des services, en considération du contexte. Ceux-ci ne sont pas nécessairement les mêmes pour une consultation sexologique, la création ou la présentation d’une conférence, une apparition média, la supervision professionnelle, la rédaction d’un rapport à produire au tribunal, une contribution à un projet de recherche ou la participation à un projet à titre de conseillère experte. Il est important de bien s’informer sur chaque milieu et sur le type de services à rendre dans la détermination de ses honoraires.

À titre d’exemple, bien qu’elles soient toutes importantes, l’évaluation d’un trouble sexuel ou l’évaluation nécessaire à la rédaction d’une expertise sexolégale revêtent un caractère plus complexe qu’une évaluation générale du comportement et du développement sexuel. Il en va de même pour les interventions visant un couple ou une famille, qui pourraient permettre de moduler les honoraires en conséquence.

  1. La prestation de services professionnels inhabituels ou dispensés hors des conditions habituelles

Il peut arriver qu’une situation inhabituelle ou un contexte particulier justifie l’augmentation ou la diminution des honoraires. Notons par exemple le fait de devoir se rendre dans un établissement carcéral pour rencontrer un client aux fins d’une expertise sexolégale. En de telles circonstances, l’ajustement des honoraires devrait être raisonnable et convenu d’avance.

  1. La compétence ou la célérité exceptionnelles nécessaires à la prestation des services professionnels

Il pourrait arriver qu’un contexte particulier d’urgence justifie une compensation financière plus élevée, ou encore que l’expertise sollicitée soit exceptionnellement spécialisée. Les honoraires pourraient donc être modulés en conséquence, dans la mesure où ils demeurent justes et raisonnables.

  1. Les dépenses et les frais encourus

De manière générale, les honoraires tiennent compte des frais et dépenses de base encourus pour réaliser les services. On doit notamment considérer qu’une partie des honoraires permet de couvrir les frais fixes d’exploitation des services, comme le loyer commercial, les logiciels pertinents ou les permis nécessaires à l’exercice.

De façon plus spécifique, certains mandats requièrent des déplacements ou des frais particuliers justifiant la modulation des honoraires, ou la facturation de certaines dépenses à encourir. Dans de tels cas, il est nécessaire de déterminer d’avance quels frais seront remboursés dans un contrat de service et de le communiquer adéquatement.

La procédure pour déterminer les honoraires

Les critères ci-dessus fournissent un cadre d’analyse, sans toutefois préciser de montants prédéterminés pour les honoraires. Les étapes suivantes sont alors suggérées pour déterminer les honoraires, et ce pour chaque catégorie de services rendus :

 

Étape 1 : Chercher les données de base et les comparer

D’abord, il est important de connaître la fourchette à l’intérieur de laquelle fixer ses honoraires. Cette information est accessible en discutant avec des collègues, en supervision ou en demandant à des sexologues d’expérience dans un domaine spécifique. Il est important de contextualiser ces données en vertu des critères de l’article 73 du Code de déontologie (ci-dessus), puis en comparant avec des sexologues qui ont des caractéristiques similaires, comme le nombre d’années d’expérience, la région où les services sont rendus, le type de service (ex. consultation en individuel, couple, ou famille), le fait de détenir ou non un permis de psychothérapeute ou une attestation d’évaluation des troubles sexuels, etc.

 

Étape 2 : Fixer les honoraires selon sa propre analyse

Une fois que la fourchette de prix est déterminée, les sexologues peuvent choisir de fixer des honoraires à l’intérieur de celle-ci, ou d’en sortir pour différents motifs. Voici quelques questions à garder en tête :

  • Est-ce que les honoraires sont objectivement justes et raisonnables?
  • Dans quelle mesure les services demeurent-ils accessibles?
  • Quel impact aura le prix fixé sur le type de clientèle attiré?
  • Est-ce que ces honoraires sont justifiables auprès du public et de collègues?
  • Est-ce que les honoraires correspondent à l’image professionnelle visée?

Pour les sexologues qui ont un dossier de taxes (TPS et TVQ), il est important de tenir compte de l’impact que ces taxes auront sur le montant total. Il est ensuite possible d’annoncer les honoraires de deux manières, soit en calculant le total avec la mention « taxes incluses » ou sans le calculer, avec la mention « plus taxes ». Pour toutes les questions de cette nature liées à la pratique, les sexologues peuvent consulter des personnes professionnelles en comptabilité ou en fiscalité.

Enfin, il est possible pour les sexologues de déterminer d’avance si elles et ils souhaitent réserver des plages horaires ou fixer un taux préférentiel pour des personnes à faible revenu, ou pour certaines organisations comme les organismes à but non lucratif. Si tel est le cas, il est important de prédéterminer les critères pour en bénéficier et de les appliquer équitablement. Il est important de bien maîtriser le rationnel derrière le montant et les critères choisis pour bien les communiquer et les appliquer de manière continue.

Plus généralement, pour assurer une stabilité et une continuité, il est recommandé de fixer les honoraires d’avance pour tous les services rendus et pour toutes les clientèles visées.

 

Étape 3 : Communiquer clairement à propos des honoraires

La question financière est parfois délicate à aborder avec la clientèle, mais il est rassurant pour toutes les personnes impliquées d’avoir un cadre présenté clairement et avec assurance. L’aspect financier fait partie de la relation de confiance et sa clarté contribue à favoriser un sentiment de sécurité auprès de la clientèle.

Les honoraires peuvent être communiqués de manière publique, par exemple sur une page professionnelle ou un site web, ou encore sur demande. Dans tous les cas, la question doit être abordée dès le début de la relation professionnelle et le montant des honoraires doit être inclus dans un contrat de service ou dans le formulaire de consentement initial en vertu de l’article 12 du Code de déontologie.

Pour les mandats rémunérés sur une base horaire et qui sont de longue durée ou qui nécessitent plusieurs étapes, il est primordial de faire un suivi constant des honoraires auprès de la clientèle, en rendant compte régulièrement des heures écoulées. La clientèle doit également être informée dans les meilleurs délais lorsque les sexologues se rendent compte que les heures estimées s’annoncent insuffisantes pour effectuer le mandat, ou que le mandat initial devrait être rajusté en raison d’événements imprévus. Il est préférable de renégocier un contrat en cours de mandat plutôt que de surprendre la clientèle avec une facture plus élevée que prévu. Il est également de bonne pratique de fournir des relevés de manière régulière (ex. mensuellement) pour permettre à la clientèle d’avoir un suivi constant sur l’état du mandat.

Les modalités de paiement et les annulations

Les sexologues ne peuvent pas détenir des sommes pour leur clientèle, ce qui inclut des avances d’honoraires (Code des professions, art. 89). Cela signifie que les services doivent être payés seulement après avoir été entièrement rendus.

Il existe une particularité pour les paiements partiels dans un contrat à long terme (Code de déontologie, art. 74 (1)). Par exemple, un contrat en éducation à la sexualité peut être divisé en différentes parties : rédaction et création du contenu, implantation, évaluation, implantation supplémentaire, etc. Les paiements peuvent alors être effectués à la fin de chaque étape, dans la mesure où cela est convenu d’avance.

Pour les annulations ou les rendez-vous manqués en consultation, des frais administratifs peuvent être exigés, dans la mesure où les frais ne dépassent pas le montant des honoraires perdus et que les conditions ont été préalablement convenues (Code de déontologie, art. 74 (2)). À cet effet, les politiques d’annulation peuvent contenir différentes modalités. Par exemple, les frais peuvent s’appliquer en cas d’annulation à l’intérieur de 24 ou 48 heures, les frais peuvent correspondre à une partie ou l’entièreté des honoraires perdus, ou encore il peut être déterminé que les frais soient levés en cas de force majeure ou de circonstances hors du contrôle de la clientèle. Les sexologues doivent se positionner sur ces politiques et bien les communiquer, encore une fois par écrit dans un contrat de service ou dans un formulaire de consentement initial.

Traditionnellement, les honoraires de consultations ont été payés en personne, par chèque ou en argent, au moment des rencontres, puis encaissés par la suite. Cette manière de faire offre une certaine garantie de paiement pour les sexologues. Avec la popularité actuelle des virements Interac et de la pratique à distance, la question des paiements s’est complexifiée et il arrive que la clientèle oublie de payer ou néglige de le faire dans un délai raisonnable.

Pour contrer cette problématique, plusieurs sexologues ont adopté la pratique d’exiger un virement Interac d’avance et d’accepter les fonds seulement une fois les services rendus. Cette pratique est conforme à la règlementation en vigueur, seulement dans la mesure où cette séquence est intégralement respectée, considérant que la clientèle pourrait annuler le virement en cas de services non rendus.

Attention : Il y a parfois une confusion entre les honoraires et les frais administratifs d’annulation, surtout pour lorsque ces montants sont identiques. Il serait une erreur d’accepter un paiement avant un rendez-vous sous prétexte que les montants sont identiques et qu’ils seraient exigibles que le rendez-vous ait lieu ou non. D’abord, le paiement des frais administratifs est seulement exigible au moment de l’annonce de l’annulation, ou au moment du constat que la personne ne s’est pas présentée. Quant à lui, le paiement des honoraires est exigible seulement après que les services ont été rendus. Toute acceptation de paiement avant l’occurrence de l’un ou l’autre de ces événements serait en contravention à l’article 89 du Code des professions qui interdit de détenir des sommes pour autrui.

Les relevés d’honoraires

Le relevé des honoraires comme « registre »

En vertu de l’article 4 (8) du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des membres de l’OPSQ, les sexologues doivent consigner au dossier de la personne cliente « le relevé des honoraires ou de tout autre montant perçu ». Le sens attribué au mot « relevé » est ici celui d’un registre, dont un exemple est fourni à l’Annexe 10 du Guide sur la tenue de dossiers et des cabinets de consultation des sexologues.

Ce relevé des honoraires fait état des éléments importants entourant les paiements des services, soit le nom de la personne cliente, la date du service, le type de service rendu, le montant reçu et la méthode de paiement. Il est également important de consigner au dossier une copie des reçus ou des factures correspondantes, pour assurer une gestion complète des dossiers.

Les relevés d’honoraires comme « reçus »

L’article 75 du Code de déontologie prévoit que les sexologues produisent des relevés d’honoraires intelligibles et qui fournissent toutes les explications nécessaires à la clientèle. Le sens attribué au mot « relevé » est ici celui d’un reçu ou d’une facture.

Les sexologues doivent donc détailler leurs relevés d’honoraires (reçu/facture) en indiquant minimalement la date, le nom des personnes à qui le service est rendu (peu importe qui paie), la nature du service rendu, la mention de frais administratifs pour un rendez-vous manqué ou annulé, le montant des honoraires, ainsi que leurs noms et leur(s) numéro(s) de permis d’exercice. D’autres éléments s’ajoutent en fonction du contrat ou du mandat, notamment le nombre d’heures travaillées pour chaque partie du service, les frais inhérents aux services rendus, ou le montant des taxes prélevées ainsi que les numéros de TPS et de TVQ, le cas échéant.

Les sexologues ont la liberté d’ajouter toute autre information pertinente et de développer une mise en page et un visuel qui leur convient.

Certaines personnes clientes ont des demandes particulières pour les inscriptions sur les reçus; souvent pour des questions de remboursement d’assurances. Rappelons que l’article 39 du Code de déontologie interdit de remettre des reçus inexacts et qu’il appartient aux sexologues de faire respecter ce principe, malgré les demandes contraires de la clientèle. Il est possible de procéder à certains ajustements de courtoisie pour des aspects pratiques, mais les reçus doivent toujours représenter le service réellement rendu.

Voici des exemples de solutions adéquates aux demandes de la clientèle, suivies de réponses non conformes :

 Un reçu au nom d’une seule personne, tout en indiquant clairement le nom des deux personnes qui ont bénéficié du service et qu’il s’agit d’une consultation de couple;
 Un reçu au nom d’une seule personne, même si le service a été rendu à un couple;
 Un reçu adressé à la personne qui paie (ex. un parent), tout en indiquant clairement le nom de la personne bénéficiaire du service (ex. son enfant);
 Un reçu au nom de la personne qui paie, alors qu’elle n’a pas elle-même bénéficié du service;
 Un seul reçu au nom des deux personnes bénéficiaires des services, en indiquant que chacun a payé 50% du montant total.
 Deux reçus différents pour une consultation de couple, représentant chacun 50% du montant total;

Peu importe la configuration demandée par la clientèle pour des considérations pratiques, les sexologues doivent s’assurer que l’information contenue sur les relevés d’honoraires (reçus) est complète et exacte.

Les mesures en cas de non-paiement

Lorsque la clientèle néglige ou refuse de payer, des intérêts peuvent s’accumuler pour les comptes en souffrance, mais seulement au taux convenu au préalable (Code de déontologie, art. 76). Les sexologues qui souhaitent se prévaloir de cette option doivent le faire dans un contrat de service ou dans le formulaire de consentement initial et les intérêts doivent être à un taux raisonnable.

En cas de non paiement, les sexologues ont l’obligation d’épuiser tous les moyens à leur disposition pour obtenir le paiement de leurs comptes en souffrance, avant de recourir à des procédures judiciaires (Code de déontologie, art. 77). Il est recommandé d’utiliser des moyens graduels, par exemple en débutant avec des rappels par courriel ou par téléphone.

En cas de difficultés de recevoir un paiement, il est possible de négocier et de conclure une entente de paiement avec des versements échelonnés, ou encore de diminuer le montant total si cela peut contribuer à récupérer au moins une partie des sommes dues. Ceci peut être négocié à l’amiable et sans processus spécifique, avant d’entreprendre tout autre recours.

À défaut de paiement ou d’entente à l’amiable, les sexologues doivent informer la personne cliente qu’il existe des processus de conciliation et d’arbitrage, en vertu du Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des sexologues. C’est seulement après l’expiration des délais prévus par ce règlement (60 jours), ou en cas d’échec des processus de conciliation ou d’arbitrage que les sexologues peuvent intenter des recours judiciaires.

Il est important de garder en tête que ces dispositions doivent être interprétées en regard de l’entièreté du Code de déontologie. À titre d’exemple, l’article 8 prévoit que les sexologues ont le devoir d’établir et de maintenir un lien de confiance mutuelle avec la clientèle et ce principe continue de faire partie des discussions sur le paiement.

Toutes les questions liées aux honoraires et leur paiement doivent être traitées avec doigté par les sexologues, ce qui nécessite de faire appel à leur jugement professionnel sur plusieurs plans. La présente chronique fournit des pistes de réflexion, qui peuvent à leur tour faire l’objet de réflexions entre collègues ou en supervision.

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