La présente chronique est publiée par l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ) comme partie d’une série sur le secret professionnel. Cette série vise principalement à informer les sexologues en matière de déontologie et à contribuer à leur réflexion professionnelle pour les enjeux que soulève leur pratique.
En aucun cas le contenu ne doit être compris comme substituant un texte de loi, ni être interprété comme étant un conseil juridique. Les sexologues doivent procéder à une analyse approfondie de chaque situation et faire appel aux ressources appropriées pour valider leur jugement professionnel, que ce soit en supervision clinique, auprès de collègues de travail ou en faisant appel à des services juridiques indépendants.
Table des matières :
- Un droit pour la clientèle, une obligation pour les sexologues
- Quels renseignements sont couverts?
- Le cadre juridique
- La conduite des sexologues
- Les tribunaux et les corps policiers
- Les couples et les familles
Un droit pour la clientèle, une obligation pour les sexologues |
Le secret professionnel est un droit qui appartient à chaque personne à l’effet que les renseignements divulgués aux sexologues dans le cadre de leurs fonctions ne peuvent être partagés à autrui. Ce droit existe dans toute relation avec les personnes dont la profession est régie par le Code des professions. À l’origine de ce droit se trouve l’importance de créer et de maintenir un lien de confiance dans la relation professionnelle. La confiance de la clientèle ne peut se développer que dans un contexte où elle s’attend, en toute légitimité, à ce que l’information qu’elle partage demeure confidentielle. Cette condition est essentielle pour permettre le dévoilement des renseignements pertinents à l’offre de services. Des services sexologiques de qualité, efficaces et complets peuvent difficilement être rendus sans cette relation de confiance. Les sexologues ont donc l’obligation de protéger le droit au secret professionnel de leur clientèle, en ayant la garde vigilante de l’information qui leur est confiée dans le cadre de leur pratique. Il s’agit d’un devoir déontologique de la plus haute importance. |
Quels renseignements sont couverts? |
L’information protégée peut prendre différentes formes, dont les paroles prononcées aux sexologues et les notes inscrites aux dossiers professionnels. Les sexologues ont également l’obligation de ne pas divulguer l’identité des personnes qui font partie de leur clientèle, incluant les éléments qui pourraient permettre de les identifier. Pour qu’une information soit incluse dans la notion de secret professionnel et donc protégée par les sexologues, les conditions suivantes doivent être remplies :
Dans tous les cas, la discrétion demeure de mise et les sexologues gagnent à s’abstenir de partager tout renseignement de nature personnelle ou confidentielle à autrui. Il en va également de leur crédibilité et de leur professionnalisme. Dans tout dilemme éthique ou déontologique impliquant la confidentialité, il est crucial de comprendre la primauté du droit au secret professionnel et de lui reconnaitre toute l’importance que la loi lui accorde. Le droit au secret professionnel figure à l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne, une loi québécoise considérée comme ayant une valeur quasi constitutionnelle. Dès que naît une relation professionnelle, le secret professionnel existe à titre de droit fondamental qui vise à protéger toute personne, de manière similaire au respect de la vie privée ou à la liberté d’expression. Les sexologues ont le devoir de connaître et de respecter le cadre juridique entourant le secret professionnel. Outre les sanctions disciplinaires auxquelles elles et ils s’exposent, il en va du lien de confiance avec leur clientèle, de la qualité de leurs services et plus largement de leur contribution à l’honneur de la profession. La loi encadre principalement le secret professionnel en deux temps :
Pour plus de précision sur le cadre juridique, veuillez consulter les articles 15 à 26 du Code de déontologie, annotés dans le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues publié par l’OPSQ. |
La conduite des sexologues |
À titre de rappel, l’article 18 du Code de déontologie apporte des précisions sur les comportements attendus des sexologues afin de préserver le secret professionnel, soit :
Dans la même veine, il est du devoir des sexologues d’informer la clientèle des utilisations qui pourraient être faites des renseignements confidentiels qu’elle partage. Les sexologues qui adoptent une conduite conforme à ce qui précède contribuent au développement du professionnalisme en sexologie. |
Les tribunaux et les corps policiers |
En règle générale et comme principe de base, les sexologues ne peuvent divulguer de l’information protégée par le secret professionnel même à un tribunal, que ce soit par écrit ou par un témoignage. À cet effet, les juges jouent un rôle actif dans la préservation du secret professionnel et doivent même rejeter d’office (c.-à-d. sans que les parties en fassent la demande) la preuve relevant du secret professionnel. Les juges pourraient cependant demander aux sexologues de fournir certaines informations de manière circonscrite en présence d’une exception permettant la levée du secret professionnel, lesquelles sont l’objet d’une chronique déontologique distincte. Les sexologues doivent donc s’abstenir de fournir de l’information autrement protégée par le secret professionnel, à moins que le tribunal le demande formellement. Les citations à comparaitreIl peut arriver que les sexologues reçoivent une citation à comparaitre (subpoena) qui leur demande de fournir des documents ou de témoigner au tribunal, par exemple en matière de séparation ou de divorce. Bien qu’il soit obligatoire d’avoir les documents demandés en main et de se présenter à l’audience selon les modalités indiquées, la citation en elle-même ne crée pas à une obligation de partager les renseignements ni les documents. Au moment de la convocation, les sexologues et les parties peuvent s’opposer à la divulgation totale ou partielle et il appartiendra au tribunal de déterminer ce qui devra être partagé ou non, après avoir entendu les positions de chacun et en considération des enjeux liés au secret professionnel. À moins de pouvoir ou de devoir fournir les renseignements en vertu d’une exception prévue à la loi, c’est seulement lorsque les juges ordonnent une divulgation que les sexologues sont tenus de partager les renseignements demandés. Les corps policiersBien que les corps policiers aient certains pouvoirs d’enquête, leur travail doit être exécuté en respect du secret professionnel. À moins d’une exception au secret professionnel ou d’être sommé de fournir des renseignements aux corps policiers par un jugement ou un mandat homologué par un tribunal, les sexologues peuvent refuser de fournir des renseignements confidentiels. Avant de partager tout renseignement confidentiel, les sexologues ont la responsabilité de vérifier qu’il est adéquat de le faire. |
Les couples et les familles |
En vertu de l’article 20 du Code de déontologie, celles et ceux qui exercent auprès d’un couple ou d’une famille doivent sauvegarder le droit au secret professionnel de chaque personne individuellement. À cet effet, les sexologues doivent clairement expliquer la notion du secret professionnel à chaque personne et établir le cadre à l’intérieur duquel les informations fournies pourront être partagées au sein du couple ou de la famille pour l’atteinte des objectifs communs. Il est de bonne pratique de faire signer un formulaire de consentement qui contient cette information, en plus de prendre le temps de l’expliquer de vive voix. Le consentement à partager l’information au sein du couple ou de la famille doit demeurer libre, éclairé et continu. Un retrait de consentement en cours de route est donc possible pour chaque personne, que ce soit pour des renseignements spécifiques ou pour le suivi en général. Le fait d’avoir initialement bien établi le cadre des communications permet toutefois d’éviter des écueils à cet égard et faciliter le maintien du consentement au partage commun. Lorsqu’une personne au dossier ou des tiers demandent l’accès à des renseignements contenus aux dossiers, les sexologues doivent obtenir l’autorisation écrite et signée de chaque personne pour pouvoir les transmettre. |